SOMMET
DU G8 :
PELERINAGE DE LA CONTESTATION.
Depuis quelques années,
les grands rassemblements anti-mondialistes font parler d’eux
: tout a commencé à Seattle en 1999 (OMC), puis
Davos, Washington, Prague (FMI), Goteborg, Gênes (G8),
Bruxelles…
Lors de ces manifs,
black blocs, non-violents, émeutiers malgré
eux (radicalisés par la situation plus qu’offensive
de la police), politiciens et autres orgas « citoyennes
» ont défilé contre ces institutions représentant
la domination totale du capitalisme sur nos vies à
tous. Diverses mouvances politiques et stratégiques
se sont « rassemblées » pour diverses raisons,
dont : gueuler contre le capitalisme, récolter des
voix en faisant de la pub pour son parti, se promener (avec
un joli lâché de ballon en fin de parcours, histoire
de bien montrer à tout le monde ce que c’est que de
la rage !), se faire plaisir en détruisant tous les
symboles du capitalisme sur son passage (Mc do, banques, magasins
de luxe…)…
PETIT HISTORIQUE
Le premier gros évènement a donc été
Seattle : ce fut un succès, puisque le but poursuivi
était le blocage de l’OMC. On peut affirmer sans hésitation
que la police et les gouvernants furent plus ou moins dépassés/surpris
par la tournure qu’ont pris les évènements ;
la préparation était en effet insuffisante,
autant de monde n’était pas attendu, la stratégie
du black bloc fut largement utilisée… (1)
Le mot d’ordre était lancé : chaque sommet des
puissants de ce monde s’accompagnera de contre-sommets, façon
de leur montrer qu’ils ne seront tranquilles nulle part pour
comploter contre nous…
Suite à Seattle,
il y a eu Prague où les objectifs furent partiellement
atteints. Mais cette fois-ci, les divisions politiques et
tactiques furent claires : 3 blocs distincts, avec un trajet
différent mais le même objectif (le lieu où
se réunissait le FMI), scindaient la manifestation.
Le bloc rose – non-violents, drag queens et activités
plutôt « festives » -, le bloc jaune – léninistes,
staliniens, les italiens de Ya Basta très chauds et
individus isolés – et le bloc bleu – bloc anar international
aux stratégies plus… offensives !
Le dispositif policier mis en place fut très important
et des plus violents (la République Tchèque
étant un ancien pays marxiste, donc avec des flics
dressés à taper les contestataires sans états
d’âmes), si bien que certains repartirent avec de jolis
souvenirs, sous forme de nez/dents cassés, cicatrices,
membres en purée, tortures en prison…
PROMENONS-NOUS DANS
LES BOIS
La machine s’est mise en marche et c’est ainsi que la tradition
fut lancée : rendez-vous en Juillet en Italie, à
Gênes, pour contester rituellement contre le Grand Capital.
« Partout où ils iront, on les suivra ! ».
Tant et si bien que les dirigeants savent pertinemment qu
‘une vague de contestation va les accompagner lorsqu’ils feront
ces déplacement officiels et spectaculaires. Les villes
des pays accueillant ces sommets des puissants (et donc la
contre-partie logique : les contestataires) furent choisies
à la manière des Jeux Olympiques : avez-vous
une infrastructure militaro-policière suffisamment
entraînée, équipée et nombreuse
pour protéger le sommet ? Et aux dirigeants de répondre
toujours la même chose : « le président
a déclaré que tout serait mis en œuvre pour
protéger la réunion ». C’est ainsi qu’à
Goteborg, en Suède, un policier tira sur un manifestant
(émeutier à ses heures perdues) et le blessa
gravement.
Puis Nice fut l’objet
d’une surveillance étroite, où les manifestants
furent triés sur le volet pour avoir le droit de contester
: des cars et trains entiers furent bloqués ou renvoyés
d’où ils venaient…
Enfin, le summum a
été atteint en 2001 à Gênes pour
le contre-sommet du G8. Des mois avant le rassemblement, la
machine s’enclencha : Berlusconi et sa clique de mafieux au
gouvernement, aidé d’autres puissances présentes
lors du G8, « préparèrent » à
leur façon cet évènement.
Tout le monde savait qu’il y aurait du monde, beaucoup de
monde ; et du grabuge…
Plusieurs mois à l’avance, les médias mettaient
en garde contre les dangereux anarchistes (2)
ou casseurs qui allaient mettre Gênes « à
feu et à sang ». On parlait de « gigantesque
dispositif policier qui serait déployé pour
assurer le calme lors des manifs ».
L’opinion publique fut travaillée et préparée
à montrer du doigt les sales casseurs de vitrines (alors
même qu’il ne s’agit pas de pillage puisqu’ils ne rentrent
même pas dans les vitrines-cibles attaquées :
banques, concessionnaires de luxe, Nike, Mc do, compagnies
pétrolières impérialistes et sanguinaires…
bref, des symboles du capitalisme meurtrier, esclavagiste
et asservissant). Les fichiers du SIS (Système d’Information
Schengen) trièrent les manifestants actifs repérés
à Prague et ils furent interdits de séjour.
Des semaines avant l’évènement, les ruelles
furent bouchées, des grillages infranchissables de
plus de 5 mètres de hauteur ont été posés
ça et là pour couper les accès (parfois
même 2 ou 3 grilles différentes dans la même
rue pour être sûr !), les employés municipaux
ont soudé toutes les bouches d’égouts ; d’énormes
containers ont été déposés le
long du trajet de la manif sur le port… canalisant ainsi les
manifestants, les faisant défiler où et quand
on le leur dira.
Des matraques spéciales
furent commandées aux USA : déchirent la peau,
cassent les os. Presque un slogan ! Tout le monde sait avec
quelle sauvagerie les CRS locaux en ont fait usage. De nombreux
témoignages de torturés en prison après
leur arrestation ont fait état de discussions entres
militaires ou policiers : « mais vas-y, amuse-toi, ne
t’inquiètes pas des bavures : on est couverts ! ».
Effectivement, aucune plainte à ma connaissance n’a
abouti, malgré l’horreur des actes commis : de nombreux
témoignages affligeants ont vu le jour, trouvables
sur Internet.
Encore une fois, le
chef d’État dont le pays avait été sélectionné
pour accueillir le G8 – et ses manifestants passés
à tabac – a rempli sa mission : « tout mettre
en œuvre pour garantir la sécurité des dirigeants
». Même à une mort prés (le jeunes
anar Carlo), du moment que le repas des puissants n’est pas
troublé par le bruit de la foule…
DES MANIFS ANTI-G8
On le voit bien, et cela est de plus en plus constatable :
partout où ils vont, c’est un rendez-vous qu’ils nous
fixent. Nous sommes trimballés à droite et à
gauche, là, où et quand ils le décident.
Dans les milieux gauchistes, la question ne se pose même
plus, puisque c’est la seule sortie de l’année pour
certains : on va au G8 ! Manifester à l’endroit fixé,
entre deux barrières et entouré de flics.
Les black blocs et autres stratèges de la guérilla
de rue sont de moins en moins efficaces du fait de leur prévisibilité.
S’ils peuvent être actifs, c’est soit sans conséquence
grave soit parce que leur action arrange certaines personnes
: les médias peuvent se débrouiller habilement
pour détourner le vrai sens de ces actions dites «
violentes » (3)
afin de discréditer toute contestation…
En d’autres termes, ce n’est plus une surprise pour personne
: tout est PLANIFIE de A à Z. Les heures, le lieu,
le type d’organisation qui défile… Les représentants
de presque toutes les composantes de cette vague anti-G8 à
Evian ont été reçus le 10 avril par Sarkosy
en prévision d’une « organisation de la manifestation
» : les manifestants qui pensent pouvoir « sortir
du rang » à Evian savent maintenant, qu’une fois
de plus, tout est prévu pour les coincer entre les
forces de police et les gentils organisateurs ! Est-ce que
cela signifie réellement quelque chose d’aller s’entasser
à Evian ? Est-ce que c’est une surprise pour les dirigeants,
voir débarquer en masse les mêmes qu’il y a 6
mois, avec les mêmes stratégies ? A quoi ça
sert concrètement ?
*Primo, pour
ceux qui sont sincères : ces grands rassemblements,
s’ils ont perdu leur éclat avec le temps, sont l’occasion
de « se bouger », de participer à une vraie
grosse manif’. Mais qu’est-ce qui est le plus important ?
Épuiser ses forces à organiser des festivités
pendant une semaine et risquer des coups de matraques dès
qu’on marche de travers, ou bien lutter quotidiennement, dans
son travail, son lycée, sa fac, son quartier ? L’un
n’empêche pas l’autre, c’est vrai… Cependant, trop souvent,
manifester (notamment lors des contre-sommets) reste pourtant
la seule activité militante de ceux qui vont gueuler
à Evian cet été…
Il est temps de se poser la question : laquelle de ces deux
actions est la plus efficace ? Car s’il faut faire un choix,
le mien est fait : l’action non-prévisible, spontanée
et quotidienne porte des coups plus forts au Capital que des
rassemblements rituels prévus un an à l’avance
(où une personne sur 4 est un flic). Je ne juge pas
ceux qui vont aller à Evian, y faire un tour n’a rien
de condamnable … mais gardez à l’esprit que ce n’est
pas du militantisme, ou du moins du militantisme efficace
!
Si ça peut faire
plaisir, les manifestations rituelles et moutonnières
ou le cassage de vitrine ne SERVENT A RIEN de concret. Pour
ceux qui recherchent la montée d’adrénaline,
inutile de se faire mousser avec des justifications bidons
: ce style de confrontation avec la police, prévue
un an à l’avance (!), n’a que les allures d’un face
à face idéal (car réducteur), mais il
n’en reste pas moins une véritable souricière
!
* Deusio, pour
les politiciens en herbe et les petits chefs d’assos citoyennes
genre « Attac » : vous avez tout compris
! Mais faites attention, le nombre de politicards et de militants
« politiciens » au mètre carré va
être résolument ultra-élevé : ça
va être une belle concurrence entre les banderoles et
les différents cortèges… Pour la gauche, Evian
servira à redorer son blason auprès des quelques
crédules qui croient ENCORE à un « capitalisme
à visage humain ». Pour Attac et co, Evian sera
un marche-pied pour appeler à son pseudo « forum
social » qui se déroulera quelques temps après…
Bref, tout un programme !
Quoiqu’il en soit,
je loue les efforts des militants libertaires et libertoïdes
qui vont organiser pendant une semaine leur VAAG (Village
alternatif, anticapitaliste et antiguerre) avec concerts et
tout et tout… mais ce genre de rassemblement aux allures de
pèlerinage ne sont rien d’autre que de la contestation
spectaculaire : elle a les allures d’une révolte de
masse légitime, elle n’est que poudre aux yeux.
LE G8 : L’ENNEMI
SUPREME ?
Le G8 ne sert à
rien. Ceux qui décident pour nous le font toute l’année.
Ceux qui nous exploitent discutent et adaptent leur système
– pour s’enrichir encore plus habilement – durant 365 j/an…
Pas moins…
Et ces beaux salauds, ce ne sont pas (que) les 8 types du
G8 : ce ne sont pas les individus eux-mêmes qu’ils faut
attaquer en tant que symboles, car n’importe qui ayant les
mêmes fonctions et les mêmes privilèges
agirait de manière identique.
Chirac/Bush… ne sont pas les ennemis suprêmes : notre
ennemi, c’est la fonction qu’ils occupent, le pouvoir que
leurs fonctions confèrent sur nous et le système
qui maintient cet état de fait ! Notre ennemi commun,
c’est l’autorité de quelques uns sur la masse, l’autorité
de la marchandise sur nos vies ! Ce n’est pas l’individu qu’il
faut combattre mais les privilèges qui lui confèrent
ce pouvoir ! Chirac ou un autre, on s’en fout : ils lâcheront
tous les deux les chiens quand ils se sentiront menacés
dans leur tour d’ivoire… Si ceci n’est pas clair, il va falloir
attendre de tester tous les apprentis politiciens avant de
se rendre compte qu’aucun ne convient ! L’oppression rend
nos vies misérables, mettons à bas l’oppression
!!
POURQUOI FAIRE
?
Quant au rôle
de la manif’ elle-même, je ne suis pas certain non plus
de son intérêt : faire une pseudo « pression
» sur le gouvernement ? Laissez-moi rire ! Ca fait des
mois qu’ils savent que l’opposition suivie d’une poignée
d’anars et d’individus isolés, viendront gueuler tel
jour à tel heure sous leurs fenêtres. A mon humble
avis, l’objectif est loupé car ayant perdu tout effet
de surprise. Une manif spontanée, non autorisée
sera sûrement plus efficace avec moitié moins
d’effectifs (bizarrement, ce sera la moitié «
politicienne » qui manquera à l’appel… ce qui
n’est pas pour me déplaire !).
Si celle-ci regroupait des individus « en colère
» et n’était pas un terrain de chasse pour tous
les partis/orgas qui s’y disputent les quelques individus
« isolés », là, d’accord, l’objectif
serait atteint. Mais ici, soyons réalistes 5 min… car
il faut quand même le faire de vouloir faire tant de
kilomètres pour voir le casque d’un CRS: ce n’est pas
la peine d’aller si loin, il y en a tout prés de chez
vous !!!!
Si au lieu de manifester rituellement, une bonne grève
générale accueillait par exemple les saigneurs
du G8, l’impact serait autrement plus intéressant !
C’est comme le 1er Mai : les manifs (4)
sont devenues une balade en ville pour se montrer et faire
de la pub ! Tout l’inverse de l’esprit résolument combatif
et dur de ses origines !
Cet article
a pour but de sortir du cliché « militantisme
» ou « action » = « manifestation
».
Autant celles-ci sont importantes, autant faire de l’activisme
en se pointant partout est épuisant à long terme
: soit le groupe n’est plus actif le reste de l’année,
soit celui-ci explose du fait d’une démotivation prématurée…
Le véritable combat se
fait tous les jours,
dans son quotidien !
L’oublier est une
erreur qui sera fatale
au mouvement libertaire.
Le petit chaperon
rouge et noir
NOTES:
(1).
Groupe affinitaire se posant divers objectifs (comme le caillassage
de vitrines spécifiques, les graffitis aux slogans
libertaires…) et parfaitement préparé/coordonné,
empêchant ou réduisant les risques d’infiltration
policière. (retour)
(2).
Le black bloc est dit « anarchiste » alors qu’il
suffit d’enfiler une cagoule pour créer un black bloc
! Ceci dit, de nombreux anars composaient ce « bloc
noir ». (retour)
(3).
Pourquoi violentes ? Le bris de matériel exclusivement
– et non des personnes physiques – est-il si choquant ? Lorsqu’une
usine chimique d’une grosse compagnie explose en Inde, car
les conditions de sécurité ne sont mêmes
pas envisagées, et que c’est 5000 esclaves (12 heures
par jour payées des miettes) qui crèvent la
gueule ouverte, qu’est-ce que c’est sinon de la violence !!!
(retour)
(4).
D’autres actions plus intéressantes peuvent être
envisagées, comme par exemple des tables d’information/de
discussion dans les quartiers populaires (là où
résident les plus exposés à l’oppression).
Cf compte-rendu 1er mai.
(retour)