CENSURE GAUCHISTE!!
Ce texte a
été écrit lors du mouvement de grève
qui a touché l’université du Mirail à
Toulouse, il y a quelques semaines. Son but n’est pas de faire
de la délation contre des syndicats ou des individus
(même si certains se reconnaîtront) mais de dénoncer
des attitudes fascisantes.
Si vous passez au Mirail
en grève, vous trouverez une ambiance sympathique chez
les grévistes, avec des affiches déclarant qu’aux
Assemblée Générale (AG) tout point de
vue est le bienvenu, des tags révolutionnaires, de
la musique… Bref, le mot d’ordre semble être la liberté
d’expression et le dialogue. Je suis moi-même «
entrée » dans ce mouvement avec enthousiasme
(« youpi, il se passe enfin un truc à la fac
! On va autogérer tout ça et refaire un mai
68 ! »).
Mais j’ai très rapidement déchanté…
Je ne reviendrais pas
sur le déroulement des AG staliniennes où toute
réflexion politique est tuée dans l’œuf, cela
a déjà assez été fait (voir numéro
précédent). Je voudrais parler, à travers
mon expérience personnelle, d’individus (certes minoritaires,
j’ai même entendu un gréviste les traiter de
brebis galeuses !) qui se permettent de jouer les cow-boys
et de décider quelle vérité doit être
diffusée au sein de la fac. Et encore je n’aborde pas
le service d’ordre, sinon je vais m’énerver…
Il y a donc 2 ou 3
semaines, j’ai appris que le comité de lutte avait
l’intention de distribuer des tracts sur
le fonctionnement des AG. Connaissant leur conception
de la démocratie fort différente de la mienne,
j’ai proposé aux autres Jeunes Libertaires de faire
un tract sur le fonctionnement d’une AG en démocratie
directe, et nous l’avons rédigé. Le mardi d’après
se déroulait une AG, nous y sommes donc allé
pour y tracter dans la joie et la bonne humeur. Deux amis
tractaient à l’entrée, une autre en haut et
moi j’ai fait une erreur de jeune militante : je suis allé
toute seule tracter en bas. « En bas » cela signifie
la tribune, le micro, donc le centre du pouvoir, avec autour
tous les syndiqués et surtout les petits chefs (les
2 étant tout à fait compatibles). A peine 10
tracts distribués, un excité m’est tombé
dessus en braillent des propos incompréhensibles sur
la LCR, la récupération… je me suis rapidement
retrouvée entourée par 5 personnes en train
de parler (ou de hurler) en même temps. Le désir
de se donner en spectacle de certains était évident.
Un type s’est mis à
hurler des gradins « dégage avec ton parti politique
» (preuve qu’il n’avait pas lu les tracts, ou qu’il
ne connaissait pas le sens du mot libertaire) et quelques
fans l’ont applaudi (si vous ne connaissez pas l’ambiance
des AG au Mirail, je peux vous dire que vous manquez quelque
chose : il y a les vedettes, au micro, les applaudissements,
les sketchs… c’est la fête !). Quelques jours après,
cette scène avait été transformé
par : un type a parlé au micro et toute la salle a
applaudi ! décidément champions de la déformation
historique les gauchistes !
Soi-disant tous approuvaient
le contenu du tract (pourquoi alors ne l’appliquent-ils pas
en AG ?) mais la signature ne leur plaisait pas, ou il fallait
tracter dehors, ou le mot libertaire allait faire fuir les
gens (c’est vraiment prendre les gens pour des cons) Bref
nombre d’arguments bidons. Il est amusant de constater que
l’année dernière dans une AG contre Le pen,
AG beaucoup plus spontanée (1), où les gens
savaient vraiment de quoi ils avaient peur et où les
habituels petits chefs avaient beaucoup moins de poids, nous
avons été accueilli (et nous avions des tracts
signés) avec gentillesse. Ce tract était un
tract informatif qui n’accusait personne (mais force est de
constater que certains se sentent visés), de plus il
est indispensable de signer un tract selon nous (on nous a
accusé d’avoir distribué un tract non signé
quelques jours avant qui parlait du même sujet). De
plus quelques jours après SUD et l’UNEF ont distribué
des tracts signés ! Et quand les profs prennent le
micro en appelant à une intersyndicale, personne ne
les traite de récupérateur !
Mais le principal problème
dans cette histoire, ce n’est pas que le tract « dérange
» (tant mieux, cela prouve qu’il fait réfléchir
!), c’est d’avoir une attitude pareille, qui est une atteinte
à la liberté d’expression et à l’intégrité
morale d’un individu. Nous aurions débarqué
dans une réunion de l’unef par exemple avec un tract
les traitant de pourris nous aurions trouvé tout à
fait logique de nous faire virer à coups de pieds aux
culs. Mais se mettre à cinq autour d’une jeune fille
en hurlant, la menacer de la foutre dehors, c’est une attitude
de salaud, y’a pas d’autre mots. Je ne souhaite à personne
de vivre pareille expérience, qui est très dure
à vivre, surtout quand vous vous faites agresser par
des gens sensés défendre les mêmes idées
que vous.
Toutefois cette expérience
ne nous a pas découragé, surtout qu’à
part ces quelques excités le tract a été
bien accueilli. Quelques jours après, la Section Universitaire
de la CNT AIT (c'est-à-dire les membres des JL et de
la CNT qui étudient ou travaillent au Mirail) a distribué
un tract intitulé "
quelle lutte ?" Que nous vous reproduisons ici. Nous
étions 6 personnes, dont 4 étudiants du Mirail.
Au bout de 20 mn, 5 personnes sont arrivées groupées,
l’air tendu. Ces personnes étaient toutes à
l’Aget ou proches. Au bout de 3 secondes (ont-il seulement
lu le tract ?) ils se sont groupé autour d’une amie
en hurlant, dont un (qui c’est excusé par la suite
de son comportement, le seul, mais ça fait plaisir)
qui nous a dit qu’on ne pouvait critiquer la lutte car on
n’en faisait pas partie ! Que signifie faire partie de la
lutte ? En tant qu’étudiante (ayant en plus participé
à presque toutes les AGs, bossé aux inscriptions
et militant toute l’année) je considère être
concernée par la lutte, que je le veuille ou nom, surtout
avec les piquets durs. De plus, si ces gens là se sentent
visés quand nous parlons d’une minorité récupératrice,
c’est eux qui ont un problème !
Donc, encore une fois,
une fille (quelle hasard vous ne trouvez pas ?) c’est retrouvée
entourée par une horde de mâles en mal d’émotions.
Il a fallu l’intervention d’un copain (pardon, d’une «
autorité masculine »)) pour qu’ils se calment
(en jetant les tracts par terre bien sûr) nous avons
pu à cette occasion constater la conception de la participation
féminine à la lutte chez ces grands militants
anti-sexistes : le type arrive, hurle , montre sa virilité,
puis une petite minette lui prend le bras « mais calme
toi mon chou c’est des méchants ».
L’après-midi
suivant le tractage, nous avons tenu comme tous les mercredis
la table de presse CNT/ JL . Et même cette forme d’expression
semble déranger : un nouvel excité est venu
nous insulter ! Toutefois, de nombreuses personnes nous ont
affirmé leur soutien ou leur embarras. Les étudiants
grévistes sont très mal à l’aise face
à de tels comportements, qui ne sont l’effet que d’une
dizaine de types en mal de sensations.
Alors où que
vous soyez refusez de telles attitudes ! Tractez, diffusez,
écrivez, criez vos idées, et ne vous laisser
pas bâillonner par les censeurs de l’ordre social, même
s’ils disent « agir pour la lutte ».
Aucune indulgences pour ceux qui attaquent la liberté
d’expression, quelque soit le bord politique dont ils se réclament
!
Suzon
NOTES:
(1). Le déroulement des AG et la manipulation médiatique
(« il faut voter Chirac », « les abstentionnistes
à mort »…) était certes aussi forte qu’aujourd’hui,
mais les gens savaient de quoi ils avaient peur (le Pen le
gros pas beau). Aujourd’hui, demandez à un membre de
l’AG contre quoi il lutte, vous verrez par vous-mêmes…