LA SERVITUDE VOLONTAIRE
-L’obéissance à l’autorité-
Vous êtes
ici face à une humble tentative de lecture du « Discours
de le servitude volontaire » d’Etienne de la Boétie.
Nous pouvons faire de multiples lectures d’une œuvre, de plus,
les subjectivités se rencontrant, nous ressentons tous
un écrit de différentes façons. J’ai tenté
ici de prendre une orientation militante à ma lecture.
Il se trouve juste que La Boétie n’a rien d’anarchiste,
de fait, il était homme politique (collègue de Montaigne
au parlement de Bordeaux) et catholique. Nous pouvons retenir
de lui sa jeunesse, car il a tout de même rédigé
ce discours à 18 ans, puis la précocité de
ce récit, car ce fut en 1548. A cet âge et à
cette époque il était tout de même exceptionnel
de rédiger un tel écrit, c’est pourquoi nous pouvons
proposer une certaine indulgence sur des éléments
spécifiques sans pour autant omettre les critiques.
Ce texte date de 1548,
il est donc clair qu’il reflète la société
de l’époque. Nous nous trouvons donc face à des
préjugés voir même des insultes induisant
l’éloge de la virilité voir même de dieu.
J’ai aussi ressenti un certain dédain dans la tonalité
rappelant de front les classes sociales. L’argumentation de La
Boétie nécessite en effet de sa part, de développer
sa perception de la société, ou plus précisément
de la population de son époque, et pour bien comprendre,
il ne faut pas oublier qu’il faisait partie de la classe dirigeante.
Ce texte pourrait donc être par ailleurs une tentative d’autocritique…
Je ferais d’autres précisions : A l’époque monarchique
de La Boétie, on ne parle pas du système mais bien
d’un être qu’il soit élu ou soit disant choisi par
dieu.
Dans son écriture, La Boétie a tendance à
prononcer des affirmations qui peuvent nous paraître inconcevables
aujourd’hui. Ce texte a pour objectif de convaincre les lecteurs
de sa condition, et propose des solutions.
Toute son argumentation est fondée sur le principe
de liberté, c’est pourquoi je vais débuter
cet article par un truc qui peut paraître très chiant
comme intéressant; dès lors, vous avez le choix
entre : changer d’article ou sauter sur le journal à pieds
joints en rythme saccadé (en écoutant de la oï),
ou lire la suite…
La Boétie par exemple spécifie l’existence de la
liberté grâce au principe de désir : en cela
je lui donne raison. Or, là où je remettrais en
cause son idée, c’est lorsqu’il affirme que certains n’ont
jamais connu ou désiré la liberté, et de
fait, ils ne la désirent pas. Comment pouvons nous spécifier
le fait qu’un individu n’ai jamais connu la liberté ?
Aujourd’hui, nous avons une matière qui nous permet de
fournir plusieurs définitions de la liberté en fonction
de chaque courant, perception philosophique et psychanalytique.
On pourrait ici distinguer la liberté naturelle ou celle
de l’homme lui même qui aurait le pouvoir d’agir sans contrainte
externe…, la liberté civile et la liberté politique.
La Boétie fait la liaison entre l’interne (la psyché)
et l’externe, inutile de dire que l’un influe l’autre et vice-versa.
D’un point de vue psychologique, on dira qu’il faut d’abord la
désirer ; d’un point de vue existentialiste on dira que
c’est elle qui fait le fondement de toutes les essences, sachant
que c’est à nous de choisir de les créer elles mêmes.
La liberté serait donc la réaction que nous
pouvons avoir face aux oppressions internes et externes.
Pourquoi la servitude
est-elle ancrée en nous ?
La Boétie soutient
une thèse bien connue que nous croisons souvent dans des
textes. Cette idée est que la liberté est l’état
naturel de l’homme. Par là même, si la liberté
est un état naturel, il s’agit de faire en sorte de vivre
en fonction de cet état. La culture serait donc l’élément
parasite à cet état naturel de liberté. L’éducation
est l’élément culturel le plus fort que nous subissons,
il serait donc déterminant quand à l’acceptation
de notre liberté. Vu l’état des choses actuellement,
nous pouvons réfléchir quand à la véritable
finalité éducative des pédagogies actuelles
(je tiens juste à rappeler que depuis l’époque de
La Boétie, outre l’avancée des connaissances dans
certains domaines, pas grand chose n’a changé).
Dans son texte, il fait référence à la fascination
qu’a la population sur le pouvoir ; aujourd’hui on pourrait parler
d’habitude, voir même de schème. La représentation
de la structure étatique est intégrée, ingérée
jusqu’à être reproduite dans nos milieux de vie.
Il est donc aujourd’hui tellement banal de répondre à
des ordres, sachant que dans la plupart des cas il n’y a même
plus besoin d’ordre : on agit, comme ça, sans vraiment
réfléchir à ce que l’on fait, à la
portée de ses actes, sans se poser la question : «
à qui ça profite » ?
Mais qu’a donc de plus cet être, ce système, pour
réussir à asservir toute une population ? Dans ce
texte, nous trouvons une réponse qui est, il me semble,
fort acceptable : ce qu’il possède, ce sont les moyens
qu’on lui fournit pour nous détruire.
La Boétie parle de la propagation du pouvoir aux individus
(tout comme dans le capitalisme, personne n’a jamais dirigé
seul) et plus il y a de monde, plus il y a de ce qu’il appelle
des « petits tyranneaux » ( cf l’article sur les petits
chefs) : « Par les gains et les faveurs qu’on reçoit
des tyrans, on en arrive à ce point qu’ils se trouvent
presque aussi nombreux, ceux auxquels la tyrannie profite, que
ceux auxquels la liberté plairait. ». La population
aurait elle gagné sa servitude ? Ou plutôt aurait
elle perdue sa liberté ?
Contre la servitude….
Il développe un
argument tel que : « le malheur de l’assujettissement est
que l’on ne peut être certain de la bonté du maître
». Si on prend en considération le fait que la
monarchie part de l’action et de la guerre, puis que
ceux qui sont élus deviennent pires que les autres
car ils sont dépassés par leur vanité,
l’argument de La Boétie suffirait. Mais il me semble que
l’on pourrait aller encore plus loin. Il faudrait plutôt
réfléchir sur ce que peut représenter le
fait de se soumettre. L’assujettissement est avant tout le
fait de ne pas reconnaître les autres individus comme des
alter ego, cela implique que les hommes puissent reconnaître
une hiérarchie chez eux. D’où peut venir celle ci
? J’aurai tendance à penser qu’elle soit intimement liée
à ce que l’on nomme les classe sociales, le racisme, le
sexisme...
En parlant de principe de nature, l’homme serait doté d’une
affection fraternelle naturelle : « Il ne peut entrer dans
l’esprit de personne que la nature ait mis quiconque en servitude,
puisqu’elle nous a mis en compagnie », nous vivons donc
dans une société qui serait avant tout à
l’encontre même de nos principes relationnels, nous serions
donc nés pour vivre en consensus les uns avec les autres
dans un souci de liberté.
Sommes nous alors traître de nous même ?
…La rébellion.
« Pas besoin
que le pays se mette en peine de faire rien pour soi, pourvu qu’il
ne fasse rien contre soi », nous pouvons très
bien penser cette citation à toutes les échelles,
La Boétie utilisant une échelle familière.
La liberté serait facile à acquérir, seulement
celle ci est fondée avant tout sur des éléments
individuels, à savoir la volonté des individus.
Nous avons la force du nombre, la rébellion serai là
qu’à partir du moment où on la désire. Un
état, un tyran, peut être défait de lui même
à partir du moment où les individus ne consentent
plus à sa servitude. Il pourrait y avoir similitude avec
ce que l’on peut nommer la désobéissance civil qui
est la traduction concrète de l’émancipation individuelle.
La liberté est ce que l’on en fait. Pour la désirer,
il faut aussi projeter le fait de pouvoir la gérer, l’organiser,
vivre en liberté, ce qui change résolument de ce
que nous pouvons vivre actuellement.
Le discours militant sur le sujet serait que l’on s’offre une
liberté collective de pouvoir assumer individuellement
et collectivement nos vies.
Soyez résolus
à ne plus servir
et vous voilà libre !
Paru dans le
numero 31 du journal des JL "Il
était une fois la révolution, con!"
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