C'EST
L'ANARCHIE!
PPDA l’a dit, Hérouet l’a
maudit, Plénel l’a pleuré, tous les journaleux
l’ont bramé : « C’est l’anarchie en Iraki
! Pillage, saccage, mise à sac de palais, de quartiers
cossus et de bâtiments publics (commissariats et casernes
compris), c’est le bordel, le chaos. Sous l’irakien à
genou couvait le barbare. Pire que le Sida ou la vache folle,
plus rapide que la pneumonie chinoise, V’la l’Anarchie !
».
Tout doux les scribouilleurs,
retenez la plume et le clavier, rassurez vos seigneurs et
maîtres, ce n’est point là retour en barbarie,
juste des gens oppressés par un dictateur depuis des
dizaines d’années, et qui le plus honnêtement
du monde reprennent à leur voleur une maigre partie
de leur dû. Ce sont juste des gens qui, depuis 1991
et la fatwa de l’ONU proclamant l’embargo mondial sur l’Irak,
voient leurs enfants mourir, faute de médicaments.
Expliquez bien à vos maîtres qu’il arrive parfois
que le peuple se venge de la misère et des humiliations
subies. Du fauteuil au lustre, de la photocopieuse au bouquet
de fleurs, tout cela est à eux. Ce n’est pas du vol,
mais de la ré-appropriation.
Allons, messieurs les
hagiographes de la domination, un peu de tenue, torchez vos
diarrhées de panique, ce n’est pas encore l’Anarchie.
Certes, ces razzias dans les palais et les quartiers chics
sont revigorantes, rappelant quelques images ravissantes d’éphémères
instants révolutionnaires passés, mais pour
l’anarchie, on est un peu loin du compte. D’ailleurs, que
pourraient donc choisir de vivre les irakiens coincés
entre un GI bardé de mitraille, un mollah aux aguets,
et un dollars parfumé au pétrole? Non, non,
l’anarchie, ce n’est pas cela, c’est plus tonique, c’est plus
gai, c’est plus solidaire, c’est plus généreux.
Si c’était l’anarchie en Iraki, il n’y aurait ni GI,
ni mollah, ni dollars ou alors des GI défroqués
et des mollahs désarmés. Si c’était l’anarchie
en Iraki, messieurs les journaleux, vous filmeriez des assemblées
générales, des coopératives et des conseils
de quartier. Vous filmeriez des regards pleins de dignité
et d’espoir, des sourires, des gens debout, vivants, sans
peur.
Allez, reprenez
la place au cul du carrosse, maudits laquais, n’ayez crainte,
il n’y a là ni barbarie, ni anarchie. Vos puissants
et vos maîtres ont seulement voulu vous faire peur jusqu’à
vous entendre bramer en notre nom à la gloire de l’État
- cette forme normalisée de la domination - et de l’ONU,
ce club très réservé pour bouchers, équarrisseurs
et maquignons.