LES
LIBERTAIRES
FACE A LA PROSTITUTION
Le mouvement libertaire
a toujours eu un problème pour se situer vis-à-vis
de la prostitution, avec parfois des attitudes extrêmes
: d’Emma Goldman qui a vécu en toute amitié avec
des prostitués et a même tenté de se prostituer
« pour la lutte », jusqu’aux anarchistes espagnols
qui taguaient les maisons de ceux qui « allaient aux putes
». De nos jours et face au danger qui guette les prostituées
(loi sarkos pour ceux qui suivraient pas) le débat est
plus que jamais d’actualité.
La question est : devons-nous
condamner la prostitution, et si oui, pour quelles raisons ?
Ce qui est reproché
à la prostitution c’est que des femmes aient des rapports
sexuels non désirés dans le but de gagner de l’argent.
(ou des hommes, mais la prostitution masculine est étrangement
moins dénoncée dans les milieux libertaires… pensez-vous,
un homme, ça peut choisir de se prostituer, mais pas
une femme enfin !) Cela, en effet, est condamnable. Mais cette
critique n’est acceptable qu’au sein d’une critique globale
du travail salarié : toute personne qui fait une chose
qu’elle ne ferait pas sans être payée se prostitue.
Condamner la prostitution plus qu’un autre travail sous prétexte
que c’est un métier sexuel, cela signifie que l’on estime
que la personne pénétrée (la prostituée)
est dans une position de soumission, d’humiliation… Preuve que
les idées patriarcales ont fait leur chemin jusqu’au
sein du mouvement libertaire.
Doit-on, alors, défendre
la prostitution ?
Ceux qui accusent les
personnes luttant pour les « droits des travailleurs du
sexe (1) » de défendre la prostitution sont totalement
incohérents : pourquoi ne vont-ils pas accuser les libertaires
d’être pour le travail à la chaîne tant qu’ils
y sont, puisqu’ils défendent les ouvriers ? La prostitution
est une horreur, car c’est un travail salarié (2), de
plus particulièrement précaire du fait que peu
de gens soutiennent la lutte des prostitués : attendre
dans le froid, être victimes d’agressions et de viols
de la part de clients (3), lutter contre les macs et les trafiquants,
ça n’a absolument rien d’amusant (là, j’enfonce
des portes ouvertes).
Si depuis les années 70 (on se souvient de la célèbre
Ulla et de ses amies) les prostituées françaises
ont obtenu de maigres droits, la situation pour les prostituées
étrangères est catastrophique. C’est pourquoi
les prostitués sont des prolétaires à part
entière.
Les syndicats qui refusent de syndiquer les travailleurs du
sexe (notamment les prostitués) et les pseudo-féministes
qui appellent à la répression de la prostitution
sont les complices d’exploiteurs, qui sous couvert de défendre
« la dignité de la femme » (en fait ils ne
font que défendre leurs valeurs puritaines), ne font
qu’enfoncer les prostitués dans leur détresse.
Que pouvons-nous faire
face à la prostitution ?
Il y a, bien entendu,
une alternative à la prostitution, de la même manière
qu’il y a une alternative au travail salarié. Au sein
d’une société libertaire, il est tout à
fait possible que des personnes désirent être des
éducateurs sexuels, cela en toute liberté. Cela
ne peut être que bénéfique pour tout le
monde. Dans notre société telle qu’elle est actuellement,
il est difficile d’envisager l’éradication de la prostitution,
car il faut payer pour tout : manger, pisser, s’abriter, et
baiser avec quelqu’un d’autre que sa femme jusqu’à la
fin de sa vie. Proposer une alternative à la sexualité
telle qu’on la conçoit actuellement (couple monogamique
hétérosexuel marié avec femme soumise et
homme dominant) (4) et lutter aux côtés des travailleurs
du sexe, les aider à s’organiser, les considérer
comme n’importe quel exploité, et surtout ne pas parler
à leur place (5), voilà ce que les libertaires
doivent faire.
Suzon
NOTES:
(1) Les travailleurs
du sexe sont les prostitués, les acteurs pornographiques,
les strip-teaseurs…
(2) Ici il est vrai qu’il s’agit plus d’une profession libérale.
(3) La plupart des plaintes de viol de la part des prostitués
ne seraient pas enregistrées, les flics partant du principe
qu’une prostituée ne peut pas être violée.
Il y a même eu des cas de flics macs… Quand aux prostituées
étrangères, elles ne peuvent tout simplement pas
porter plainte de peur d’être expulsées de France.
(4) Il est intéressant de constater que - selon une étude
du sexologue révolutionnaire Reich - au sein d’un campus
d’étudiants, le taux de fréquentation des prostituées
ou de "salon de massage" a baissé au fur et à mesure que les jeunes filles
ont eu une sexualité plus libérée.
(5) Les soi-disant « féministes » qui braillent
à la télé: « toutes les prostituées
se sont retrouvées au trottoir suite à un viol,
ont toutes un mac et ne rêvent que d’une chose : qu’on
leur envoie les flics » n’ont jamais sorti un orteil de
leurs salons feutrés, et sont très dangereuses
pour les prostituées.
Paru dans le
numero 29 du journal des JL "Il
était une fois la révolution, con!"