LE PROGRES EST PARTOUT...
MAIS POUR QUI ?!
Dans notre société, toute nouvelle découverte
allant de l’amélioration de la qualité d’un
support musical, aux OGM ou à une voiture encore plus
puissante est un progrès. Même le perfectionnement
des armes de guerre a bénéficié de cette
appellation.
Ces différents domaines où s’expriment le progrès
démontrent qu’il est dépourvu de sens social
et éthique. Seuls les critères techniques sont
pris en compte ce qui porte à voir le progrès
partout, d’autant plus que l’on nous à bien appris
des formules toutes faites comme « toute évolution
est un progrès ». Cela implique que quelqu’un
qui ne suit pas l’évolution régresse. De plus
cette formule nous signifie bien le caractère vertueux
des sciences et des techniques dont la finalité serait
d’élever encore et toujours la situation de l’humanité.
Leur marche en avant ne ferait que servir le progrès
et comme on sait « on n’arrête pas le progrès
».
Pour synthétiser, le progrès se développe
sans cesse pour accroître notre bonheur bien qu’il s’applique
aussi bien pour désigner la mise au point d’une technique
valorisant les énergies renouvelables que pour la création
d’une voiture de plus grandes puissance utilisant du pétrole,
ressource limitée aggravant l’effet de serre.
Cette conception du progrès est très répandu.
Allez dire que vous trouvez insensée de développer
une voiture plus puissante et vous aurez grande chance d’être
vu comme un rétrograde, un archaïque. Cette attitude
s’explique par la distance qui sépare la cause (lorsqu’on
prend sa voiture) des effets (pollution atmosphérique,
effet de serre...). Or dans une vie où l’on craint
l’avenir, l’Homme égoïste à tendance à
favoriser sa satisfaction immédiate même si il
sait de façon claire ou diffuse qu’il est en train
de rompre les équilibres naturels. La voiture fascine
car ce qui rend possible son fonctionnement et les nuisances
qu’elles provoquent (contrôle militaires des zones pétrolières,
pillage des ressources des pays appauvris, dégradation
des façades des bâtiments et monuments, maladies
respiratoires, coût du réseau routier...) demeurent
cachés de l’expérience directe. Malgré
cela, le « raisonnement » suivant persiste : je
ne maîtrise pas grand chose dans ma vie alors n’allez
pas me demander de me préoccuper d’un avenir lointain
et incertain. De surcroît, la voiture à aussi
su capter le désir d’inventer sa propre vie, d’être
autonome, libre.
Cette non remise en cause de la voiture « pétrolivore
» est conditionnée par l’état actuel des
connaissances scientifiques qui nous persuade qu’aucune alternative
viable existe pour un autre mode de locomotion ou pour une
autre organisation de l’espace et de nos déplacements.
Ces croyances sont solidement entretenues par les constructeurs
automobiles, les pétroliers... qui n’ont aucun intérêt
à voir émerger un autre moyen de déplacement
voire une réduction du besoin de mobilité.
La protection des intérêts particuliers est une
des conséquences de l’organisation économique
capitaliste. Le choix de la nature et de l’organisation de
la production et de la distribution des richesses par une
minorité aboutit invariablement à servir leurs
propres intérêts. Les producteurs et les utilisateurs
des productions ne sont que des instruments pour servir les
fins de ce qui dirige la production avec en premier lieu la
recherche du profit. La satisfaction de l’intérêt
collectif est impossible si les producteurs restent soumis
à une autorité étrangère à
leurs besoins. Il est donc essentiel que l’ensemble des travailleurs
participent directement aux décisions pour que les
produits fabriqués répondent aux besoins collectifs.
La science et la technique
ne sont donc pas forcément des savoirs et des procédés
au service de l’Homme mais une idéologie inséparable
des pratiques sociales, économiques et politiques.
Les industriels qui détiennent un marché se
soucient peu de l’utilité sociale de leur recherche
et comme ils infiltrent l’Etat, la dérive scientiste
s’étend.
Un exemple de la domination exercé par les chefs des
industries et appuyé par l’Etat est donnée par
les difficultés que connaît la petite société
Valenergol situé à coté d’Agen.
Cette société voulait prouver qu’il était
possible de fabriquer son énergie sans aucune tutelle
gouvernementale ou économique. Pari réussi puisqu’il
arrive à fabriquer un carburant à base d’huile
de tournesol brute utilisable dans les moteurs diesel.
Les avantages
de ce carburant sont multiples :
- il se substitue à l’usage de carburant issue des
énergies fossiles, permettant de ne pas augmenter la
concentration de l’atmosphère en gaz à effet
de serre.
- Sa fabrication utilise des procédés techniques
et de fabrication simples et facilement reproductible à
une échelle locale. Il suffit d’une petite presse à
4573 euros (30 000 F), d’une ou deux cuves en plastique et
de quelques centaines de filtres à café.
Malgré ses atouts
écologiques et sociaux, ce projet est bloqué
par de gros intérêts particuliers.
La facilité de fabrication et l’autonomie qu’elle procure
inquiète les pouvoirs publics qui craignent de perdre
une part importante des taxes perçues au nom de la
TIPP (Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers)
si des groupes de personnes se mettent à produire librement
leur carburant. La société Valenergol vendait
le carburant 4 F/L. Ce prix n’intégrait pas la TIPP
auxquelles les huiles brutes de tournesol, de colza et de
noix de coco sont soumises. Le service des douanes à
dénoncé cette « fraude » que le
tribunal de police d’Agen a sanctionné en condamnant
les deux gérants de Valenergol à verser 33 000
F au trésor public.
Les dirigeants des grandes entreprises ont eux aussi participé
au dénigrement de ce carburant. Dans un rapport controversé
remis au 1er ministre en 1993, le rédacteur Raymond
Levy (ancien PDG de Renault et ex n° 2 d’Elf) expliquait
que le carburant n’était pas fiable car l’huile encrasse
les cylindres et détériore la qualité
des lubrifiants. Pourtant un jeune docteur de l’université
de Poitiers avait développé une thèse
sur les applications d’une huile pouvant être utilisé
sans aucun problème dans tous les moteurs diesels à
injection directe. Mais les résultats de ce chercheur
n’ont pas été retenus.
Le Rapport Levy, voit plutôt l’avenir dans la filière
diester fabriqué à partir de colza et ainsi
fournir un nouveau débouché industriels aux
producteurs d’oléagineux. Les coopératives agricoles
et les petits négociants sont alors entrés au
capital de Sofiprotéol, l’organisme financier de la
filière oléagineuse, qui a investi des centaines
de millions de Francs dans la construction de trois usines
chimiques d’estérification. Il apparaît clairement
une volonté des industriels du pétrole de conserver
l’exclusivité de la production de carburants afin d’imposer
ses conditions d’achats et de ventes.
La victoire actuelle de l’industrie capitaliste a été
confirmé par l’organisme d’Etat chargé de l’environnement
et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME. L’ADEME
et son conseil d’administration où siège les
plus grands énergéticiens français (TotalFinaElf,
EDF GDF, Rhone Poulenc…) et qui fournit l’ensemble des expertises
au pouvoir publics a elle aussi mis en échec le carburant
à l’huile brute de tournesol en le qualifiant de peu
fiable. L’ADEME encourage les projets de carburant à
base d’huile végétale brute à condition
d’acheter l’huile aux industriels et partenaire de Sofiprotéol
au prix de 8 F/L soit le triple du prix auxquels les paysans
peuvent la fabriquer.
Cette triste histoire aujourd’hui classée peut revivre
si nous engageons une lutte pour supprimer les rapports de
domination et d’autorité propre au système capitaliste.
Par conséquent,
ce n’est pas de la science qu’il faut se méfier mais
du pouvoir. Et même si des conseils citoyens sont créées,
ils évoluent dans un cadre où l’on nous inculque
des évidences du type : sans nucléaire moins
de confort, les OGM ont été conçus pour
mettre un terme à la tragédie de la faim dans
le monde... si bien qu’il ne nous reste plus qu’a veiller
à ce que le pire ne se produise pas et à s’accommoder
du mal. Le remède se situe plutôt dans la disparition
de toutes organisations qui disposent d’un pouvoir de domination.
Ce ne sont pas des experts scientifiques qu’il nous faut mais
des milliards d’humains chercheur de bonheur.
DAMIEN