SI
TU VEUX ETRE HEUREUX,
NOM DE DIEUX
Face aux injustices criantes, à l'individualisme toujours
croissant, au mépris de la vie humaine ; face aux éternels
conflits d'intérêts, à l'exploitation de l'homme
par l'homme, à la marchandisation du monde, au brevetage
du vivant comme du non-vivant ; face à tout ceci, il existe
une alternative, une nécessité : tordre le coup
à la propriété privée. Par là,
j'entends définir clairement ce QU'EST la propriété
privée, en faisant les distinctions nécessaires
qui permettront d'éviter tout amalgame.
Tout d'abord, il est important de se poser la question : "
Qu'est-ce que la propriété privée ? ".
Cela signifie que l'on s'approprie quelque chose -pas nécessairement
par la force-, que l'on possède sur un objet un droit absolu,
c'est à dire que l'on peut en faire l'usage que l'on désire,
avec toutes les tares et paradoxes qui s'ensuivent inévitablement
: gaspillage, destruction, inutilisation… etc. de biens qui pourraient
servir à d'autres.
En effet, le grand problème de la propriété
privée réside dans le seul fait qu'elle est PRIVEE
! Cela peut paraître " normal " au premier abord
mais réfléchissons-y bien… ne nous laissons guère
influencer par nos impulsions et supposons uniquement le cas suivant
: une personne possède plusieurs pommiers (achat, héritage,
culture…) qu'elle entretient ou non (là n'est pas le problème)
et dispose chaque saison de 1000 pommes. Faisons intervenir une
tierce personne qui elle est affamée. Admettons que le
cultivateur du dimanche se satisfasse de 100 pommes pour la saison.
Supposons que le propriétaire soit un connard fini et donc
pas partageur : la personne affamée qui, mirant les pommiers
d'un air envieux, se voit alors chassée hors du domaine
dès lors qu'elle s'apprêtait à déguster
un des fruits. - " Voleur ! Voleur ! Fiche-moi le camp ou
j'appelle la police ! ".
Là réside l'essentiel de la contradiction : le voleur,
selon la loi, est celui qui, de part son existence sur la Terre,
réclame simplement son droit de déguster ce qu'elle
a fait pousser pour tous. Pour l'Etat, le voleur est celui qui,
sachant que le " propriétaire " mangerait à
sa faim et n'aurait besoin que d'un dixième seulement des
denrées offertes par la terre, voudrait à son tour
bénéficier de la nourriture inutilisée. Le
voleur est, enfin, pour le capitaliste, celui qui donne à
un fruit condamné à la pourriture une UTILITE !
Par opposition, l'individu qui s'approprie les fruits de la planète
( par définition inappropriables si ce n'est pour leur
usage ), l'individu qui vole aux nécessiteux ce dont il
n'a pas besoin, cette personne-là n'est pas un VOLEUR mais
un " PROPRIETAIRE " !
" La propriété est le droit de jouir de la
manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un
usage prohibé par la loi ou par les règlements "
( article 544 du Code Civil ) : mais de quel type de " loi
" s'agit-il donc pour ne pas prohiber le genre de cas que
nous venons d'énoncer ? Que penser des " règlements
" qui donnent au propriétaire le droit ( appuyé
par les forces de l'ordre si nécessaire ) d'empêcher
un affamé de se servir à un arbre abondant ? Quels
sont ces législateurs qui décident de laisser crever
de faim une personne parce qu'une autre s'est appropriée
avant lui une parcelle de la Terre ? Et en vertu de QUELLE loi,
de QUELS règlements dépossèdent-on les ouvriers,
les travailleurs, les paysans du fruit de leur labeur ? Des travailleurs
exploitent une machine créée par d'autres travailleurs.
Chacun se sert, en somme, de la production des autres (l'ouvrier
de la machine construite par un autre ouvrier, le boulanger de
la voiture créée avec la machine par l'ouvrier et
les deux ouvriers du pain produit par le boulanger pour se nourrir):
c'est de cette manière que la production doit fonctionner
dans chaque société basée sur l'entraide.
En effet, il est bien plus pratique et vous en conviendrez, de
se servir de l'aiguille, du fil, du tissu produit par d'autres
pour confectionner un vêtement. Cela est normal, logique
et surtout indispensable dans toute société.
Et bien actuellement, certains s'accaparent le produit des uns
(payé par une fortune personnelle : héritage,… ;
ou par un prêt gracieux de la banque si l'on fait partie
de " la haute société ") afin de le faire
fonctionner par d'autres travailleurs : " J'achète
ce qui a été produit par certains (machines,…) et
j'engage des travailleurs pour qu'il produisent à leur
tour. Ce qu'il auront produit sera à moi et je leur paierai
un salaire largement inférieur au prix de vente de leur
production ". En revanche, cela n'est absolument pas logique
et encore moins indispensable : pourquoi se servir d'un intermédiaire,
ces patrons inactifs qui vivent du travail des autres, quel est
l'intérêt de ces parasites dans la production si
ce n'est de s'enrichir au détriment de la société
?
Effectivement, aussi logique et indispensable que l'utilisation
des autres productions pour produire à son tour, il apparaît
logique et indispensable d'éliminer ces parasites improductifs
qui volent la production des uns après avoir accaparé
la production des autres.
Il est tout autant LOGIQUE de se SERVIR (gratuitement) de la production
des autres afin de créer une nouvelle chose. Ainsi, en
éliminant le patron et la " plue-value " qui
caractérise sa présence du cercle productif, l'ensemble
des personnes pourraient se servir librement et sans commerce,
sans troc : c'est la " prise au tas ". Prenons l'exemple
d'une ville où résident un boulanger et un cordonnier
: le cordonnier répare des semelles gratuitement, c'est
un service qu'il rend à la collectivité : "
j'aime mon métier, j'estime que c'est un art et je suis
fier de mettre mon art au service de la société.
Toute la journée si je le veux [ car je suis libre de faire
tout autre chose], je fais ce que j'aime faire ". Le boulanger
(mais aussi le maçon, le vieillard, l'enfant) viendra à
lui pour qu'il puisse l'aider et le service ne sera pas payant.
De la même façon, le cordonnier (mais aussi le maçon,
le vieillard et l'enfant) n'aura qu'à se rendre librement
à la boulangerie chercher le pain qu'il lui faut sans payer…
etc ! De cette manière là, le métier n'est
plus un commerce et il n'est pas nécessaire de consacrer
sa vie à un seul métier : combien de bricoleurs
n'en font pas leur métier ? Combien de travailleurs exercent
un métier unique en comparaison avec le large éventail
de talents qu'ils possèdent ? Combien enfin de travailleur
qui se sont lancés dans une voie par passion sont dégoûtés
de la-dîte passion car obligés d'exercer le même
métier toute leur vie ? Entaîdons-nous ! Partageons
! Retirons tout aspect financier de nos relations personnelles
! Varions les plaisirs, les peines, les tâches (1) ! Travaillons
pour nous-mêmes (plaisir personnel), pour les autres (aide
des autres travailleurs par son propre travail), mais ne gaspillons
plus une goutte de sueur pour ces gros ventrus, qu'engraisse à
ne rien faire notre labeur !!
La chose est encore plus frappante dans les pays pauvres. Rendez-vous
compte de l'absurdité : un paysan du tiers-monde qui trime
toute la journée et récolte 1 hectare de céréales
par jour n'aura pas une miette d'une parcelle de fruit de son
labeur car exporté aux occidentaux pour servir de nourriture
au bétail ! Et à certains de s'étonner :
" c'est étrange qu'il y ait des famines dans ces pays
alors qu'il existe de grandes exploitations terriennes ".
Ce n'est pas tout ! Lorsque les dépossédés
réclament leur part, ils se voient menacés par des
fusils ! Le monde à l'envers… L'exemple des " sans-terres
" au Chiapas est parfait : des paysans expulsés de
leurs terres par de grands propriétaires terriens ( qui
ne jugeaient pas assez rentables l'exploitation du sol qu'ils
s'étaient accaparé : en effet, ils tireront de meilleurs
bénefs à vendre ces parcelles à McDo !) ont
organisé la ré-appropriation par la redistribution
collective des terres : " la terre est à celui qui
la travaille ". Quelle a été la réaction
de l'Etat Mexicain envers ces " voleurs " ? Quelle a
été l'attitude des grands Etats capitalistes vis-à-vis
de cette rébellion ? Les bombardements, les massacres de
villages rebelles ou sympathisants, la traque, la torture, la
destruction d'habitation, en deux mots : la TERREUR et les REPRESAILLES.
Quant aux grandes puissances capitalistes comme les Etats-Unis,
elles ont manifesté leur plus vif soutien au gouvernement
mexicain : il est bon de saluer le passage de ce pays au libéralisme,
la preuve en est que le gouvernement que le gouvernement traque
déjà le voleur, la canaille collectiviste !
Mais si " la propriété privée, c'est
le vol ", la propriété personnelle ou d'usage,
elle, est parfaitement légitime ! Revenons à l'exemple
proposé en première partie mais changeons l'énoncé
: une personne a en bas de chez elle un pommier, qu'elle entretient
ou pas, qui produit 100 pommes chaque saison. Cette personne peut
prendre, c'est son droit inaliénable lié à
sa seule existence, ce qu'elle désire sur cet arbre dans
la limite de l'utilité qu'elle peut en avoir. C'est à
dire que si elle se sent de manger l'intégralité
des fruits avant qu'ils ne pourrissent, elle en a le droit ( bien
sûr, il serait plus convenable et gentil de laisser les
autres se servir à leur tour, quitte à " sacrifier
" son petit confort : c'est ça la solidarité,
c'est inné et c'est beau ! ). Un stylo, une maison, un
moyen de transport, une radio…peuvent être propriété
d'usage ou propriété privée : si une personne
garde pour elle seule, jalousement, sa bicyclette alors qu'elle
reste 7 jours/7 dans la cave ( ou même 6 jours/7 ), il y
a appropriation. Si une personne, sans autre moyen de locomotion
que ses jambes, réclame l'instrument pour se déplacer,
il y a expropriation ( ce terme n'est absolument pas péjoratif
et ne signifie pas violence ou arbitraire). De la même manière,
un bourgeois possédant une maison de ville ( une petite
bicoque qui tient la route, quoi ! J), un chalet au ski et une
villa en bord de mer alors que des gens meurent car couchant sur
un trottoir ou un banc par une nuit à -10°C, cela,
c'est du vol ( et du meurtre légal ! ). Le bourgeois, en
interdisant l'accès de " sa " maison à
un ou plusieurs nécessiteux, vole à quelqu'un les
quatre murs qui lui auraient évité de mourir.
Ce n'est pas le froid qui tue, c'est la misère !
Encore un autre point aussi important qu'absurde : le brevetage.
Désormais, il est possible de s'approprier la nature. S'il
vous arrive de vouloir utiliser une variété de céréales
à votre gré, vous verrez débarquer un jour
une personne ( costume 3 pièces noir, mallette à
la main et lunettes noirs sur le nez pour vous mettre dans l'ambiance…)
qui vous certifiera que vous ne pouvez pas utiliser cette variété
de céréales sans son autorisation -comprenez sans
le payer- car celle-ci lui appartient ! De la même manière,
avec le brevetage du vivant, il sera possible de breveter une
espèce nouvelle de moutons qui " appartiendra "
à quelqu'un. Le marché n'est pas à un délire
près, rien de nouveau à l'horizon…
Finalement, il est plus que jamais temps, face aux patrons irresponsables,
aux gouvernements incontrôlables et aux technocrates exécrables
d'en finir avec ce monstre tueur coupable de l'essentiel des maux
de nos sociétés marchandisées, il est temps
d'abolir la propriété privée !!
Révolution
sociale !
Collectivisation générale !
Cerf noir
(1). Vider les poubelles
est une activité désagréable pour tout le
monde : POURQUOI certains et pas d'autres exerceraient ce métier
toute leur vie ? La rotation des tâches permettrait de n'être
éboueur qu'à " temps partiel comme nous ne
sommes cuisiniers, bricoleurs, jardiniers… qu'à "
temps partiel ".
(2). Voir " Il était une fois la Révolution,
con ! " #21 l'article sur McDollars du même auteur.
Paru dans le
numero 25 du journal des JL "Il
était une fois la révolution, con!"
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