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HISTOIRE DE BOITES


A la suite de la visite de l'usine DAUCY près de Bordeaux, j'ai envie de vous parler de boîtes de conserves. Oui vous savez, ce sont ces trucs cylindriques qui contiennent… disons, de la nourriture. Choses bien banales qui font parties de la vie quotidienne et bien adaptées à une société capitaliste qui ne laisse guère le temps de cultiver ses petits légumes et de se mitonner quelques bons petits plats.
A l'ère de l'automatisation, on pourrait se dire que les boites de conserves se fabriquent toutes seules et certains se laissent à penser que c'est un bienfait pour l'humanité que de produire si vite et de ne plus faire travailler les hommes dans les conditions que l'on retrouver à l'époque des romans de Zola. Certains disent même que de ce fait, la classe ouvrière n'existe plus. Bien que ces pensées partaient d'un bon sentiment, il en est une toute autre réalité. Il est vrai que les chaînes de production sont de plus en plus automatisées mais les machines ne peuvent pas encore tout faire. La production de boîtes de conserves se fait encore à la chaîne avec des femmes, des hommes employés à des tâches ingrates et rabaissantes, travaillant dans des conditions ignobles où le bruit des machines vous assomme dès les premières secondes de travail, où le niveau sonore équivaut à celui d'un grand concert de rock mais où le rythme ne vous entraîne qu'à une chose: produire pour le patron. Cette belle musique vous invite même à danser quelques cadences de plus en plus infernales.
A ce triste tableau, on peut rajouter la tâche de l'ouvrier et on peut se demander ce que signifie vivre quand on consacre 8,9,10... heures par jour à écosser des haricots, à courir soudain à l'autre bout de l'usine en faisant attention de ne pas glisser sur un sol digne d'une patinoire et de se prendre le bras ou la jambe dans quelques machines infernales pour ramasser des boîtes tombée de la chaîne. Oh! bien sûr, il y a une pause d'un quart d'heure par demi?journée, à peine le temps d'aller aux toilettes, d'ailleurs pour les envies pressantes rien n'est prévu, la chaîne ne doit s'arrêter à aucun prix bien souvent l'équipe de maintenance joue la solidarité et prend sur son temps de travail pour relayer ces pauvres femmes. Et ce n'est guère mieux du côté de l'emballage et de l'expédition. Les caristes se transforment en pilotes de Formule 1 pour charger directement les quelques 500 boites produites à l'heure. Ils peuvent dire un grand merci à monsieur FLUX TENDU.
Pour remercier ses ouvriers, le gentil patron leur offre à la fin du mois un cadeau merveilleux, le SMIC. De plus la majorité des ouvriers de production sont employés en tant que saisonniers et bien sûr ne peuvent pas se battre pour améliorer leurs conditions de travail. Les meilleures ouvriers sont repris chaque année avec la surprise de voir la cadence augmenter et le salaire stagner pour ne pas dire baisser. Certains embauchés travaillent sous ce joli cadeau empoisonné nommé "l'annualisation du temps de travail": hors production (en hiver), semaines de moins de trente cinq heures. En pleine production (été), semaines de 50 heures voir plus. Le patron ne peut que s'en féliciter et s'écrier "vive la flexibilité!". De quoi faire un peu réfléchir sur la proposition des 35 H du gouvernement...
C'est fou finalement les choses que l'on peut dire sur une boîte de conserve. Mais j'ai envie de rajouter encore une chose : aujourd'hui, ce sont des légumes que mettent les travailleurs en boite, demain j'espère que ce seront leurs patrons qu'ils mettront en conserve.

Un jeune ouvrier

Paru dans le numero 14 du journal des JL "Il était une fois la révolution, con!"